1. Resolve to Save Lives
  2. Pan American Health Organization

Les épidémies auxquelles nous avons échappé

Étude de cas:

La fièvre jaune
au Brésil

Une riposte fondée sur les risques :
Comment des mesures de protection ont permis de vaincre la fièvre jaune au Brésil

Les moustiques peuvent transmettre la fièvre jaune. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de Getty Image/Karen Kasmauki
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À propos de la fièvre jaune

Le virus de la fièvre jaune, qui se transmet entre les moustiques et les primates (humains et non humains), provient d’Afrique et s’est propagé en Amérique à travers la traite transatlantique des esclaves. L’une des premières épidémies a été enregistrée au milieu du XVIIe siècle dans le Yucatan, 1 entraînant la mort de plus de 100 000 personnes aux États-Unis entre 1693 et 1905.2 Les épidémies existent toujours dans les zones tropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud, où elles ne peuvent être totalement éradiquées parce que le virus circule entre les moustiques et les primates non humains qui sont des espèces endémiques de la forêt. Le Brésil a réussi à éliminer la fièvre jaune urbaine en 1942. Pour en savoir plus sur le cycle de transmission de la fièvre jaune, cliquez ici.

 

Un centre de vaccination de masse contre la fièvre jaune à Espirito Santo, au Brésil en 2017. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'OPS/l'OMS, Sylvain Aldighieri

Chez l’homme, la maladie se manifeste généralement par l’apparition de fièvre, de frissons, de céphalées, de nausées et de signes de fatigue et de faiblesse. Les cas graves peuvent cependant entrer dans une deuxième phase dite « toxique » et développer une jaunisse (coloration jaune de la peau et des yeux qui a donné son nom à la maladie), parfois associée à une insuffisance hépatique et rénale, entre autres symptômes.3 Il n’existe aucun remède contre la fièvre jaune, et 30 à 60 % des malades atteints de formes graves de la maladie en meurent. 4 Un vaccin efficace a été développé à la fin des années 1930.5 90 % des personnes qui se font vacciner sont immunisées dans les 10 jours. 6 Ces dernières années, de grandes épidémies de fièvre jaune ont entraîné une pénurie mondiale du vaccin.7

 

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Écosystème rural dans lequel la fièvre jaune s'est propagée à Minas Gerais, au Brésil. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'OPS/l'OMS, Sylvain Aldighieri

Au Brésil, les personnes habitant ou travaillant dans la forêt tropicale ou à proximité de celle-ci sont les plus à risque de contracter la fièvre jaune. Ces dernières années, les changements environnementaux ont entraîné une plus grande circulation du virus de la fièvre jaune chez les singes dans les écosystèmes forestiers, ce qui, associé à un contact plus étroit entre les humains et les moustiques et à des modifications du comportement humain, a conduit à une explosion des infections au sein des populations humaines voisines. Cette augmentation du nombre de cas, aussi bien chez l’animal que chez l’homme, a permis la propagation rapide de la maladie dans les zones forestières proches de plusieurs grandes villes brésiliennes, notamment Rio de Janeiro et São Paulo, où la couverture vaccinale de la fièvre jaune est faible en raison de la longue absence de la maladie dans ces zones. 8

 

Dans le sud-ouest du Brésil, la fièvre jaune est saisonnière, la plupart des infections se produisant entre décembre et mai.

Ce qu’il s’est passé

Avant 2016, le nombre de cas de fièvre jaune était relativement faible au Brésil. En effet, seuls trois cas humains confirmés et deux décès avaient été enregistrés lors de la saison de fièvre jaune de 2015-2016. Mais en décembre 2016, les épidémiologistes en charge de la surveillance de la fièvre jaune dans le sud-est du Brésil ont compris qu’une épidémie était imminente. La plus grande épidémie de fièvre jaune du Brésil de l’époque contemporaine était en train d’émerger,9 alors même que les stocks mondiaux de vaccins contre la fièvre jaune étaient dangereusement bas.

Données épidémiologiques hebdomadaires

Source: Données publiées par le ministère brésilien de la Santé (2016-2018, semaine 50) et par le Secrétariat à la Santé de l'Etat de Saõ paulo (e la semaine 51 de 2018 à la semaine 9 de 2019) et reprisess par l'OPS/l'OMS

Pendant la saison 2016-2017, le pays a dénombré 792 cas, dont 274 décès. Lors de la saison s’étendant de décembre 2017 à mai 2018, le nombre de cas et de décès a continué d’augmenter, le bilan étant de 1 266 nouveaux cas humains et 415 décès.10  Les infections se sont concentrées dans les zones autour des grandes villes qui n’étaient habituellement pas considérées comme des zones à haut risque de fièvre jaune. Les responsables craignaient que la transmission n’explose si la maladie commençait à se propager entre les humains et les espèces urbaines de moustiques.11

La communauté internationale craignait également de voir la fièvre jaune se propager au-delà des frontières brésiliennes. Entre janvier et mars 2018, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis (CDC) ont signalé au moins quatre décès et 10 cas parmi les voyageurs internationaux de retour en Europe et en Amérique du Sud après avoir séjourné au Brésil.12 La crainte d’une épidémie plus étendue est apparue.

Les facteurs essentiels de la préparation aux épidémies

  1. Evaluation des risques et planification

  2. Système national de laboratoires

L'Intervention

Pour contrôler l’épidémie de 2016-2018, le Brésil a dû considérablement élargir la vaccination, car les infections se sont propagées vers les grandes villes. Le Brésil était bien placé pour y parvenir : ce pays est en effet l’un des plus grands producteurs au monde de vaccins contre la fièvre jaune et dispose d’un système de santé publique intégré qui place la vaccination systématique au cœur de ses priorités, notamment la vaccination contre la fièvre jaune destinée aux enfants en bas âge. Cependant, au moment de l’épidémie, les réserves de vaccins étaient faibles, car une flambée de fièvre jaune en Angola et en RDC avait récemment épuisé les stocks du gouvernement brésilien.13

Le Brésil a conçu un plan de vaccination ambitieux. Les autorités ont considérablement élargi les vaccinations contre la fièvre jaune, en distribuant 45 millions de doses de vaccin en 2017, puis 24 millions de doses supplémentaires en 2018,14 notamment dans les États très peuplés de São Paulo, Rio de Janeiro et Bahia. Finalement, pour éviter une nouvelle propagation des cas, la vaccination contre la fièvre jaune a été élargie à l’ensemble du pays, ciblant ainsi 77 millions de personnes supplémentaires.15

Le Brésil était particulièrement bien placé pour lutter contre la fièvre jaune, car il avait développé une expertise scientifique sur cette maladie endémique dès la fin du XIXe siècle et participé à la mise au point du vaccin contre la fièvre jaune dans les années 1930, motivé par le risque national.16Étant donné qu’il comptait déjà parmi les plus grands producteurs du vaccin, en 2018 le pays a pu doubler sa production mensuelle qui est passée à 8 millions de doses17 en vue d’atteindre l’objectif ambitieux de vacciner l’intégralité de la population.18

 

Des responsables du ministère de la Santé du gouvernement de Rio de Janeiro, de l'OPS et d'organisations non gouvernementales échangent sur l'épidémie de fièvre jaune lors d'une réunion à l'Unidade de Pronto Atendimento à Rio de Janeiro. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'OPS/l'OMS, Sonia Mey-Schmidt
La population a pu se faire vacciner dans des centres de soins de santé primaires, des cliniques mobiles de vaccination, à domicile (lorsque les personnes étaient dans l'impossibilité de se déplacer) et dans d'autres lieux lors de l'épidémie de fièvre jaune. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'OPS/l'OMS

Pour gérer le grand nombre de vaccinations nécessaires dans un contexte de pénurie de vaccins, les autorités ont demandé des doses supplémentaires issues d’un stock international afin de compléter leur capacité de production nationale.19 Pour tirer le maximum des doses disponibles, en collaboration avec l’Organisation Panaméricaine de la Santé (OPS) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Brésil a décidé d’administrer des doses partielles du vaccin. Des études montrent qu’un cinquième de la dose standard du vaccin peut offrir jusqu’à un an d’immunité et s’avérer efficace pour contenir les épidémies.

Parallèlement à la vaccination, les responsables de la santé se sont donné pour priorité la surveillance des épidémies de fièvre jaune chez les animaux (ce qui permet de savoir à l’avance où les cas humains apparaîtront plus tard), la prise en charge des cas pour réduire le nombre de décès parmi les personnes infectées et la mise au point de tests de diagnostic très spécifiques.

À la fin de la saison 2019, ces mesures avaient produit des résultats spectaculaires : seuls 85 cas de fièvre jaune et 15 décès ont été signalés. Cette maladie, qui avait menacé de s’étendre à tout le Brésil et au-delà de ses frontières, était finalement jugulée. 

Cette étude de cas a été réalisée en partenariat avec l’Organisation panaméricaine de la Santé.

 

 

Des responsables du ministère de la Santé du gouvernement de Rio de Janeiro, de l'OPS et d'organisations non gouvernementales échangent sur l'épidémie de fièvre jaune lors d'une réunion à l'Unidade de Pronto Atendimento à Rio de Janeiro. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'OPS/l'OMS, Sonia Mey-Schmidt

Chronologie

La vaccination est la clé. La surveillance des épizooties permet d’anticiper les cas chez l’homme avec environ un mois d’avance. Il est essentiel de veiller à la mise à jour des connaissances du personnel de santé pour permettre une meilleure prise en charge clinique au niveau des soins de santé primaires…20

Sylvain Aldighieri, Directeur adjoint du Département des urgences sanitaires de l’OPS
Un moustique de l'espèce Aedes aegypti, aussi appelé moustique de la fièvre jaune. Photo reproduite avec l'aimable autorisation des Centres pour le contrôle des maladies/Dr Harry D. Pratt

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Références

  1. Staples, J. E. & Monath, T.P. (2008). « Yellow Fever: 100 Years of Discovery ». JAMA, 300(8), 960. https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/182442
  2. Moreno- Madriñán, M.J., et Turell, M. (2018). « History of Mosquitoborne Diseases in the United States and Implications for New Pathogens. » Emerging Infectious Diseases, 24(5), 821-826. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5938790/
  3. Mayo Clinic. (22 septembre 2020). Yellow fever -– Symptoms and causes. https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/yellow-fever/symptoms-causes/syc-20353045
  4. Centres africains de contrôle et de prévention des maladies. (2019). Yellow Fever | 2019 Case Definition. https://wwwn.cdc.gov/nndss/conditions/yellow-fever/case-definition/2019/#:~:text=The%20case%2Dfatality%20rate%20for,is%2030%25%E2%80%9360%25
  5. Frierson, J. G. (2010). « The Yellow Fever Vaccine: A History. » The Yale Journal of Biology and Medicine, 83(2), 77-85. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2892770/
  6. Gotuzzo, E., Yactayo, S. et Córdova, E. (2013). « Efficacy and Duration of Immunity after Yellow Fever Vaccination: Systematic Review on the Need for a Booster Every 10 Years. » The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, 89(3), 434-444. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3771278/
  7. Kupferschmidt, K. (4 avril 2016). « Angolan yellow fever outbreak highlights dangerous vaccine shortage ». Science | Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS). https://www.sciencemag.org/news/2016/04/angolan-yellow-fever-outbreak-highlights-dangerous-vaccine-shortage
  8. Possas, C., Lourenço-de-Oliveria, R., Tauil, P. L., Pinheiro, F. P., Pissinatti, A., Cunha, R. V., Freire, M., Martins, R. M. et Homma, A. (2018). « Yellow fever outbreak in Brazil: the puzzle of rapid viral spread and challenges for immunization ». Memórias Do Instituto Oswaldo Cruz, 113(10), e180278. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6135548/
  9. Possas, C., Lourenço-de-Oliveria, R., Tauil, P. L., Pinheiro, F. P., Pissinatti, A., Cunha, R. V., Freire, M., Martins, R. M. et Homma, A. (2018). « Yellow fever outbreak in Brazil: the puzzle of rapid viral spread and challenges for immunization ». Memórias Do Instituto Oswaldo Cruz, 113(10), e180278. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6135548/
  10. Organisation mondiale de la Santé. (16 août 2019). « Relevé épidémiologique hebdomadaire ». https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/326400/WER9433-en-fr.pdf?ua=1
  11. Belluz, J. (19 avril 2018). « Brazil’s yellow fever outbreak, explained ». Vox. https://www.vox.com/2018/3/16/17129158/brazil-yellow-fever-outbreak-vaccine
  12. Hamer, D.H., Angelo, K., Caumes, E., van Genderen, P. J. J., Florescu, S. A., Popescu, C. P., Perret, C., McBride, A., Checkley, A., Ryan, J., Cetron, M. et Schlagenhauf, P. (2018). « Fatal Yellow Fever in Travelers to Brazil, 2018 ». MMWR. Morbidity and Mortality Weekly Report, 67(11), 340–341. https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/67/wr/mm6711e1.htm
  13. Beaubien, J. (12 avril 2018). « Yellow Fever Encroaches Megacities, Straining Global Vaccine Supply ». NPR. https://www.npr.org/sections/goatsandsoda/2018/04/12/601871150/yellow-fever-encroaches-megacities-straining-global-vaccine-supply
  14. de Oliveira Figueiredo, P., Stoffella-Dutra, A. G., Barbosa Costa, G., Silva de Oliveira, J., Dourado Amaral, C., Duarte Santos, J., Soares Rocha, K. L., Araújo Júnior, J. P., Lacerda Nogueira, M., Zazá Borges, M. A., Pereira Paglia, A., Desiree LaBeaud, A., Santos Abrahão, J., Geessien Kroon, E., Bretas de Oliveira, D., Paiva Drumond, B. et de Souza Trindade, G. (2020). « Re-Emergence of Yellow Fever in Brazil during 2016-2019: Challenges, Lessons Learned, and Perspectives ». Viruses, 12(11), 1233. https://www.mdpi.com/1999-4915/12/11/1233/pdf
  15. Darlington, S. (21 mars 2018). « Fearing New Outbreaks, Brazil Will Vaccinate Country Against Yellow Fever ». https://www.nytimes.com/2018/03/20/world/americas/yellow-fever-brazil-vaccinate.html
  16. Organisation mondiale de la Santé. (28 février 2013). OMS | « How Brazil joined the quest for a yellow fever vaccine. » https://www.who.int/bulletin/volumes/91/3/13-030313/en/
  17. Laboissiére, P. (25 janvier 2018). « Yellow fever vaccine production to double in Brazil, says Health Minister ». Agência Brasil. https://reliefweb.int/report/brazil/yellow-fever-vaccine-production-double-brazil-says-health-minister
  18. Soucheray, S. et CIDRAP News. (21 mars 2018). « Brazil calls for entire nation to get yellow fever vaccine ». CIDRAP News. https://www.cidrap.umn.edu/news-perspective/2018/03/brazil-calls-entire-nation-get-yellow-fever-vaccine#:~:text=Brazil%20announced%20yesterday%20that%20all,the%20country%20since%20the%201940s
  19. Organisation mondiale de la Santé. (30 mars 2017). « WHO dispatched 3.5 million doses of yellow fever vaccine for outbreak response in Brazil ». https://www.who.int/news/item/30-03-2017-who-dispatched-3.5-million-doses-of-yellow-fever-vaccine-for-outbreak-response-in-brazil
  20. Organisation panaméricaine de la Santé (30 octobre 2019). « Partners join forces in Brazil to eliminate yellow fever epidemics in the world ». https://www.paho.org/hq/index.php?option=com_content&view=article&id=15560:partners-join-forces-in-brazil-to-eliminate-yellow-fever-epidemics-in-the-world&Itemid=1926&lang=en