Les épidémies auxquelles nous avons échappé

  1. Resolve to Save Lives

Article:

Cholera au Burkina Faso

Comment une planification avancée, une sensibilisation régionale et une action rapide ont stoppé le choléra au Burkina Faso

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Image de virus: Photo prise au microscope électronique de bactéries Vibrio cholerae, responsables du choléra. Avec l’aimable autorisation de Dartmouth College Electron Microscope Facility
Image d'arrière-plan: Scène de lieu de Kongoussi, Burkina Faso. Avec l’aimable autorisation de Courtesy Ollivier Girard/CIFOR
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À propos de Cholera

Le choléra est une maladie diarrhéique hautement infectieuse causée par l’ingestion de bactéries provenant d’aliments ou d’eau contaminés. Selon les estimations, le monde enregistre chaque année 3 millions de cas et 100 000 décès dus à cette maladie.1

Le choléra a été décrit pour la première fois dans un texte écrit en sanskrit datant du 5e siècle avant notre ère. Au fil des siècles, la maladie a entraîné sept pandémies, dont la première est apparue le jour en 1817 dans la région du delta du Gange, en Inde.

En 1854, une épidémie survenue à Londres a été imputée à une seule pompe à eau, une découverte qui a finalement conduit à l’amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement qui ont effectivement éradiqué les épidémies dans les pays à revenu élevé. Toutefois, près d’un milliard de personnes dans le monde continuent de consommer de l’eau non traitée provenant directement de sources non protégées, et plus de deux milliards de personnes ne disposent d’aucun moyen d’éliminer les déchets humains en toute sécurité, notamment en Asie et en Afrique subsaharienne.2 Dans les régions où l’assainissement et l’accès à l’eau potable laissent à désirer, le choléra peut se propager comme une traînée de poudre. Les récentes épidémies survenues au Yémen et en Haïti ont provoqué près de 2 millions de cas et coûté la vie à plus de 12 000 personnes.3

Chez la plupart des personnes contaminées, la maladie est bénigne et guérit d’elle-même ; toutefois, 10 % des patients présentent des symptômes graves, notamment une diarrhée aqueuse intense, une déshydratation, des crampes dans les jambes et des vomissements..4 Le choléra peut faire l’objet d’un traitement efficace à l’aide de liquides intraveineux et d’antibiotiques, mais s’il n’est pas traité, le patient peut en mourir en quelques heures..5 Bien que les stocks de vaccins contre le choléra aient augmenté au cours des dernières années, leur efficacité n’est que de 65 % et ils ne sauraient à eux seuls prévenir ou éradiquer les épidémies. 6

Dans les régions où l’assainissement et l’accès à l’eau potable laissent à désirer, le choléra peut se propager comme une traînée de poudre.

Peinture murale représentant les conditions de potabilité de l’eau pour contribuer à la prévention du choléra (photo prise au Cameroun) Avec l’aimable autorisation de Andia/Universal Images Group via Getty Images

Ce qui s’est passé

Dans la matinée du 15 août 2021, un chauffeur de camion est arrivé dans le centre de santé et de promotion social de Tanwalbougou, un village situé à environ 50 km de Fada N’gourma, une ville située dans l’est du Burkina Faso. Le malade a perdu connaissance suite à une déshydratation sévère après un épisode extrême de diarrhée aqueuse et de vomissements. Il avait commencé à avoir envie de vomir le jour précédent alors qu’il conduisait. Ce cas a immédiatement suscité l’inquiétude des responsables de la santé, car le chauffeur venait de Niamey, au Niger,7 où une épidémie massive de choléra en cours a déjà tué 30 personnes.8  Pire encore, ce chauffeur avait passé trois jours à Kantchari, une ville du Burkina Faso proche de la frontière avec le Niger, où un autre chauffeur avec lequel il voyageait a reçu des soins pour des vomissements et de la fièvre.

Le 17 août, les résultats des tests ont permis de confirmer que l’homme était bien atteint du choléra.9

L’est du Burkina Faso constitue une plaque tournante régionale en matière de commerce et de migration, les populations déplacées transitant par des postes-frontières mal contrôlés. Outre le Niger, la région partage ses frontières avec le Mali, le Togo et le Bénin, qui étaient tous en proie à des épidémies de choléra à l’époque.10 Les responsables de la santé, qui n’avaient pas observé de cas de choléra dans l’est du Burkina Faso depuis 2011, se sont rendu compte qu’un seul cas représentait une grave menace épidémique, étant donné la rapidité avec laquelle la maladie peut se propager et s’enraciner au sein de la population. Les dirigeants ont fait savoir que si aucune mesure décisive n’était prise, le système de santé du pays — déjà perturbé par l’insécurité—serait confronté à un afflux important de patients Une forte densité de population suivant des déplacements massifs, l’accès limité à l’eau potable et aux latrines hygiéniques entraînerait des problèmes supplémentaires pour le pays.11

Camions chargés de marchandises diverses de la Côte d’Ivoire à destination du Burkina Faso et du Niger. Avec l’aimable autorisation de ISSOUF SANOGO/AFP via Getty Images

La Réponse

Une fois le patient arrivé dans le centre de santé, les autorités sanitaires locales du district sanitaire de Fada ont immédiatement adressé une notification au gouvernement, laquelle a permis aux autorités nationales de passer à l’action le même jour et de soutenir une réponse coordonnée.12

Le premier patient et les quatre personnes avec lesquelles il avait été en contact (des collègues chauffeurs et le propriétaire du véhicule dans lequel il a été transporté à l’hôpital) ont tous été rapidement isolés et placés sous surveillance.13 Des équipes ont été envoyées à Kantchari dans le but de localiser le collègue chauffeur qui était tombé malade auparavant et afin de s’assurer qu’il ne souffrait pas du choléra, d’identifier d’autres contacts et d’assainir les zones à risque, notamment les latrines de la frontière. Les contacts et les professionnels de santé ayant été en contact avec les patients ont reçu des antibiotiques prophylactiques pour prévenir l’infection. Dans le même temps, les autorités sanitaires régionales de l’Est avec l’appui du cluster régional coordonné par l’OMS,14 ont procédé à la mise à jour des plans de riposte au choléra prenant en compte le contexte sécuritaire.

Le gouvernement a commencé à organiser des points de presse et à intensifier la communication sur les risques au sein de la communauté, à la radio et lors de réunions communautaires avec les dirigeants locaux, afin de discuter des stratégies à mettre en œuvre pour prévenir la propagation de la maladie. Des professionnels de la santé ont effectué des visites dans les restaurants et chez les bouchers pour donner des conseils sur l’hygiène appropriée, tout en distribuant des produits de désinfection, des équipements de protection et des médicaments. Les responsables ont construit des latrines destinées aux centres de traitement des épidémies afin de s’assurer que le choléra ne se propage pas dans les communautés ; ils ont également projeté de construire de nouveaux puits, de réhabiliter les puits désaffectés ou en mauvais état de fonctionnement et ont organisé des formations dans les écoles sur l’assainissement adéquat.15  Les agents de santé ainsi que les communautaires ont été briefés sur la prise en charge et les mesures préventives du choléra.

Un homme à Ouagadougou, au Burkina Faso, vidant à la main les latrines d’une famille. Ces travailleurs sont en contact direct avec les excréments humains et travaillent dans des espaces confinés dangereux. Ils sont exposés à des maladies telles que le choléra, la fièvre typhoïde et l’hépatite. Avec l’aimable autorisation de OLYMPIA DE MAISMONT/AFP via Getty Images
Bouchers travaillant en bordure d’une rue à Ouagadougou. Des professionnels de la santé ont visité les restaurants et les boucheries pour prodiguer des conseils d’hygiène durant l’épidémie de choléra en 2021. Avec l’aimable autorisation de SIA KAMBOU/AFP via Getty Images

Les mesures immédiates prises par les responsables de la santé étaient tout aussi importantes, voire plus, que les plans qui avaient été mis en place avant l’épidémie. Stimulé par les épidémies de choléra dans les pays voisins, le Burkina Faso a élaboré un plan national de préparation et de réponse au choléra, lequel a été finalisé en juin 2021 et a préparé le terrain pour une réponse réussie. Au cours d’une campagne de 2020 visant à se préparer à une épidémie de choléra, les dirigeants du secteur de la santé ont diffusé des documents et formé le personnel à surveiller et à signaler toute épidémie potentielle de choléra. Des médicaments, des équipements de protection et des matériaux désinfectants ont été distribués dans la région afin que les responsables puissent les utiliser dès qu’un cas était identifié. Les activités de communication ont déjà commencé, de même que les réunions des comités régionaux de gestion des épidémies.16

En pleine gestion de l’épidémie initiale, les responsables ont appris qu’un deuxième chauffeur de camion en provenance du Niger était tombé malade le 26 août et a été confirmé comme atteint du choléra le 29 du même mois. Grâce aux préparatifs antérieurs et à la prompte réaction des autorités locales du district sanitaire de Diapaga, qui étaient déjà impliquées dans la réponse au cas du 15 août, le patient a été isolé et traité et la maladie ne s’est pas propagée davantage. Après avoir reçu un traitement efficace, le premier chauffeur de camion tombé malade est libéré le 22 août et le second le 31 du même mois.17  Deux autres cas suspects recensés grâce aux activités de surveillance, dont un repéré au poste-frontière de Kantchari, ont été testés négatifs.18  La détection rapide, la prise en charge des cas, l’identification et l’isolement des contacts, ainsi que le renforcement de la surveillance aux points d’entrée avec le Niger, ont permis d’éviter de nouveaux cas importés et de contenir l’épidémie localement au Burkina Faso. Il faut aussi noter que dans le cadre de la coordination de la riposte, le cluster santé coordonné par l’OMS a organisé plusieurs réunions en impliquant d’autres secteurs comme le WASH et le secteur de l’environnement. Ces réunions ont constitué des cadres de mobilisation de ressources matérielles et financières pour la riposte.

En 2021, l’Afrique de l’Ouest a enregistré près de 109 000 cas de choléra et plus de 3 700 décès. L’ensemble des pays touchés par le choléra ont connu un taux de létalité supérieur à 1 %, soit l’objectif convenu au niveau international,19 à l’exception du Burkina Faso, dont ce taux était de 0 %.

Principaux facteurs de préparation

  • Évaluation et planification des
  • Opérations d’urgence
  • Système national des laboratoires
  • Surveillance de la maladie
  • Législation nationale, politique et financement
  • Ressources humaines
  • Communication des risques

Chronologie (~20 jours)

  1. Début

  2. Détection
    Notification

  3. Vérification

  4. Contrôle

  5. Goulot d'étranglement Communication transfrontalière

    Facilitateur Mécanisme national de réponse coordonnée en place

La détection rapide, la prise en charge des cas, l’identification et l’isolement des contacts, ainsi que le renforcement de la surveillance aux points d’entrée avec le Niger, ont permis d’éviter de nouveaux cas importés et de contenir l’épidémie localement au Burkina Faso

Dr. Sonia Marie Ouedraogo, Administratrice nationale/Préparation du pays, Organisation mondiale de la Santé
Village aux environs de Ouagadougou: Shutterstock

Références

  1. Ali M, Nelson AR, Lopez, AL, et al. (2015). Mise à jour de la charge mondiale du choléra dans les pays endémiques. PLoS Neglected Tropical Diseases, 9(6), e0003832. https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0003832
  2. Wierzba TF. (2019). Vaccins oraux contre le choléra et leur impact sur la charge mondiale de morbidité. Human Vaccines & Immunotherapeutics, 15(6), 1294-1301. https://doi.org/10.1080/21645515.2018.1504155
  3. Wierzba TF. (2019). Vaccins oraux contre le choléra et leur impact sur la charge mondiale de morbidité. Human Vaccines & Immunotherapeutics, 15(6), 1294-1301. https://doi.org/10.1080/21645515.2018.1504155
  4. Centres de contrôle et de prévention des maladies. (2020, 2 octobre). Choléra — Maladie et symptômes. https://www.cdc.gov/cholera/illness.html
  5. Organisation mondiale de la santé (2022, 30 mars). Choléra. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/cholera
  6. Wierzba TF. (2019). Vaccins oraux contre le choléra et leur impact sur la charge mondiale de morbidité. Human Vaccines & Immunotherapeutics, 15(6), 1294-1301. https://doi.org/10.1080/21645515.2018.1504155
  7. Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique. (2021). Bulletin hebdomadaire des épidémies et autres urgences. Semaine 34 : 16-22 août 2021 https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/344445/OEW34-1622082021.pdf
  8. Relief Web.(2021, août). Niger : Épidémie de choléra — août 2021. https://reliefweb.int/disaster/ep-2021-000130-ner
  9. Ministère de la Santé du Burkina Faso, Direction régionale de la santé de l’Est. (2021, août). Plan de préparation et de riposte : l’épidémie de choléra au niveau de la région de l’Est, 2021
  10. Sodjinou V, Talisuna A, Braka F, et al. (2022). L’épidémie de choléra de 2021 en Afrique de l’Ouest : Épidémiologie et implications pour la santé publique. Fortune Journals. https://www.fortunejournals.com/articles/the-2021-cholera-outbreak-in-west-africa-epidemiology-and-public-health-implications.html
  11. Ministère de la Santé du Burkina Faso, Direction régionale de la santé de l’Est. (2021, août). Plan de préparation et de riposte : l’épidémie de choléra au niveau de la région de l’Est, 2021
  12. Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique. (2021). Bulletin hebdomadaire des épidémies et autres urgences. Semaine 34 : 16-22 août 2021 https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/344445/OEW34-1622082021.pdf
  13. Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique. (2021). Bulletin hebdomadaire des épidémies et autres urgences. Semaine 34 : 16-22 août 2021 https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/344445/OEW34-1622082021.pdf
  14. L’Organisation mondiale de la santé, conjointement avec des centaines de partenaires, soutient 31 groupes sanitaires à travers le monde pour atténuer l’impact des urgences humanitaires. Il y en a un au Burkina Faso qui se concentre sur l’amélioration de l’accès aux soins de santé et la réponse aux épidémies. En savoir plus : https://healthcluster.who.int/countries-and-regions/burkina-faso
  15. Ministère de la Santé du Burkina Faso, Direction régionale de la santé de l’Est. (2021, août). Plan de préparation et de riposte : l’épidémie de choléra au niveau de la région de l’Est, 2021
  16. Ministère de la Santé du Burkina Faso, Direction régionale de la santé de l’Est. (2021, août). Plan de préparation et de riposte : l’épidémie de choléra au niveau de la région de l’Est, 2021
  17. Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Afrique. (2021). Bulletin hebdomadaire des épidémies et autres urgences. Semaine 36 : 30 août — 5 septembre 2021. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/345001/OEW36-300805092021.pdf
  18. Ministère de la Santé du Burkina Faso, Direction régionale de la santé de l’Est. (2021, septembre. Neuvième rapport de situation sur l’épidémie de choléra dans la région de l’Est, période du 12 au 13 septembre.
  19. Organisation mondiale de la santé [2022, 30 mars]. Choléra. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/cholera